Vingt-quatre heures après la démission retentissante de Maurice Kacou Guikahué de son poste de vice-président délégué du PDCI-RDA, une voix discordante s’est élevée dans la capitale ivoirienne.
Celle de Tchétché Abié Charles, militant de la première heure, membre du Bureau politique, délégué départemental de Gagnoa 5 et ancien directeur du patrimoine et du parc automobile du parti.
Lors d’une conférence de presse tenue à Abidjan, Tchétché Abié a lancé un véritable pavé dans la mare, fustigeant avec virulence la gouvernance actuelle du plus vieux parti politique de Côte d’Ivoire. « Ce que je vais dire est un cri du cœur », a-t-il lancé d’entrée, avant de retracer son long parcours militant, démarré en 1984 dans son village natal de Ouragayo, situé non loin de celui de l’ex-président Laurent Gbagbo.
Dans un ton à la fois grave et accusateur, le vétéran du PDCI-RDA a dénoncé les divisions internes qui minent le parti, évoquant une époque marquée par la discrimination. « Chez nous, on mangeait avec les morts et les diables. On rasait les murs », a-t-il raconté, métaphore forte pour illustrer l’atmosphère d’exclusion vécue selon lui au sein de la formation politique.
Mais c’est surtout contre les “aînés” du parti que Tchétché Abié a dirigé ses critiques les plus acerbes. Il les accuse d’avoir trahi les idéaux du défunt président Henri Konan Bédié. « Ce ne sont pas les Thiam qui nous ont trompés, ce sont nos aînés », a-t-il asséné, dénonçant leur volte-face : ceux-là mêmes qui n’ont pas soutenu Bédié de son vivant, mais qui auraient aujourd’hui facilité l’ascension de Tidjane Thiam à la tête du parti.
Selon lui, les textes fondateurs du PDCI-RDA ont été « détournés à des fins personnelles », notamment lors des récents événements qui ont secoué le parti. Il fustige ce qu’il considère comme une violation flagrante des règles internes : « Un homme démissionne, et à minuit, on le nomme vice-président délégué ! Où a-t-on vu ça ? », s’est-il indigné. Il remet également en cause l’organisation du congrès dit “éclaté”, qu’il qualifie de manœuvre pour mieux contrôler les délégués, et pointe l’absence d’un président de congrès comme une irrégularité grave.
Le ton est monté d’un cran lorsque le militant de Gagnoa a dénoncé ce qu’il considère comme une tribalisation du parti : « Ce n’est pas un royaume Akan ici. On est dans une République ! », a-t-il martelé, accusant le PDCI d’être devenu un « mouvement de Thiamistes » au détriment de son âme d’antan.
Allant plus loin, il a regretté que certains cadres aient, selon lui, « applaudi à la mort de Bédié », un homme qu’il décrit comme un symbole d’apaisement et de rassemblement.
Interrogé sur les solutions à la crise, Tchétché Abié a plaidé pour la convocation d’un nouveau Bureau politique en vue de l’organisation d’un 10e congrès extraordinaire. Il appelle à une restructuration statutaire, inclusive et transparente, permettant l’élection d’un président « véritablement charismatique ».
En conclusion, il a rejeté les débats autour des diplômes ou des parcours professionnels des dirigeants actuels. « On s’en fout ! Ce qui compte, c’est la vérité », a-t-il martelé, appelant à une refondation du PDCI-RDA sur ses valeurs fondamentales : justice, inclusion et respect des textes.